Un tortueux fil d’Ariane rattache Rima Hassan à Angela Davis

En 2024, un collège de Bobigny adopte le nom d'Angela Davis, militante infatigable des droits civiques… et des régimes autoritaires amis. Y aura-t-il un collège Rima Hassan dans le 9-3 dans cinquante ans? L’article Un tortueux fil d’Ariane rattache Rima Hassan à Angela Davis est apparu en premier sur Causeur.

Fév 4, 2025 - 09:54
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Un tortueux fil d’Ariane rattache Rima Hassan à Angela Davis

En 2024, un collège de Bobigny adopte le nom d’Angela Davis, militante infatigable des droits civiques… et des régimes autoritaires amis. Y aura-t-il un collège Rima Hassan dans le 9-3 dans cinquante ans?


Un collège de Bobigny (Seine Saint-Denis) a récemment rendu hommage à une grande militante des droits humains américaine en adoptant le nom de Angela Davis en 2024.

Nul n’ignore aujourd’hui que le très raciste (et célibataire très endurci), très indéboulonnable directeur du FBI, J. Edgar Hoover, affecta des ressources considérables à la persécution de militants de la cause des droits civiques, dont Martin Luther King et Mme Davis.

Celle-ci perdit son poste de professeure à l’université de Californie sur ordre du gouverneur Ronald Reagan en raison de son appartenance au parti communiste. (Ce renvoi fut annulé ultérieurement par une décision de justice.)

Davis a aussi pleinement droit à la qualité de prisonnière politique car elle fut incarcérée dans l’attente de son procès pénal lorsqu’elle dut répondre à des accusations selon elle mensongères de complicité dans l’affaire du meurtre d’un juge californien. Ce procès se conclut en 1972 par l’acquittement, hypocritement invoqué par la communauté redneck pour soutenir que le système judiciaire américain marche bien après tout, ce à quoi Davis répondit : « A fair trial would have been no trial » (en v.o.); « un procès équitable aurait consisté en l’absence de procès » (en v.f.). Son seul acquittement, en effet, ne prouvait rien dans un sens ou dans l’autre.

Une lutte contre l’oppression à la carte

Si est admirable son action sociale en faveur des laissés pour compte aux États-Unis, à l’occasion, elle n’a jamais hésité à faire la promotion de la violence comme solution aux problèmes sociaux de l’Amérique, et plus récemment de la Palestine, prenant ainsi quelques distances avec la démarche de Martin Luther King.

Avec Davis, il y a 2 poids 2 mesures en matière de lutte contre l’oppression. Elle demeure une marxiste impénitente, apparemment peu impressionnée par les horreurs staliniennes. Son soutien aux dictatures communistes n’a jamais fléchi. Le sort des prisonniers politiques en Europe de l’Est n’a jamais suscité sa vindicte au sujet du système judiciaire soviétique, qui comportait parfois des lacunes sur le plan des droits de la défense. Est particulièrement instructive cette déclaration datant de 1972: « The situation of Jews in Russia has been totally blown out of proportion by the bourgeois press because they’re going to do everything they can to discredit socialism» (en v.o.) (« La situation des Juifs en Russie a été très exagérée par la presse bourgeoise parce qu’ils font tout pour discréditer le socialisme » (en v.f.). Mais il y a mieux.

Ou pire.

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Peu après son acquittement, l’avocat Alan Dershowitz (par la suite défenseur de Claus von Bülow et de O.J. Simpson), qui l’avait soutenue, avait sollicité un modeste retour d’ascenseur, c’est-à-dire son intervention auprès des autorités soviétiques en faveur de dissidents juifs. Il fut vertement éconduit en ces termes : 

«Several days later, I received a call back from Ms. Davis’ secretary informing me that Davis had looked into the people on my list and none were political prisoners. ‘They are all Zionist fascists and opponents of socialism.’ Davis would urge that they be kept in prison where they belonged.” (en v.o.) ».

(Quelques jours plus tard, je reçus un appel téléphonique de la secrétaire de Mme Davis m’informant que celle-ci avait fait des vérifications au sujet des personnes figurant sur ma liste et conclu que nulle d’entre elles n’était une prisonnière politique. ‘Elles sont toutes des fascistes sionistes [NOTE : apparemment une tautologie dans l’esprit de Mme Davis] et des opposants au socialisme’. Davis invitait donc les autorités soviétiques à les garder en prison comme elles le méritaient. (En v.f.) ).

Davis et Hassan: même combat?

Heureusement, en France, Rima Hassan, députée européenne LFI, est loin d’avoir subi de telles avanies, encore que l’on déplore à l’occasion des entraves à sa liberté de parole, notamment quant à une cause honorable qui touche la communauté internationale : celle de la Palestine, même si son système de défense est un peu terni par une apparente dénégation d’une autre cause, tout aussi honorable, mais apparemment inconciliable à ses yeux : celle de l’existence d’Israël.

Cela dit, on constate une impressionnante congruence idéologique entre Hassan et Davis au sujet de la liberté d’expression et des prisonniers politiques.

Au Parlement européen, Hassan a récemment voté contre une résolution transpartisane appelant le gouvernement algérien à libérer l’écrivain franco-algérien Boualem Sansal; elle dénonce vertueusement une « instrumentalisation » concertée par la droite et l’extrême droite : y a apporté son soutien Marine Le Pen… Il s’ensuit qu’elle se désolidarisera de cette dernière si elle a l’audace de proclamer que la terre n’est pas plate.

Détail piquant, cette juriste, dont les racines françaises ne sont pas immémoriales, élue sous l’étiquette d’un parti aux prétentions humanistes et universalistes, nie à l’écrivain le « franco- » : son acquisition de la nationalité française, en 2024 est trop récente pour que l’on puisse parler d’écrivain  « français », même s’il s’exprime dans la langue de Voltaire.

Hassan est éblouissante comme critique littéraire.

A fortiori, elle n’a donc que faire d’auteurs comme Georges Simenon et Guillaume Appolinaire. Quant à la chanson « française », foin des Luc Plamondon et des Isabelle Boulay (compagne d’Eric Dupond-Moretti à la ville). Quelques rappels historiques instructifs supplémentaires : le poète de langue afrikaans, juif, et antiapartheid, Peter Blum n’obtint jamais la nationalité sud-africaine; et il faut croire que « Le procès » de Franz Kafka ne fait pas partie de la littérature « allemande » puisque l’auteur a opté pour la nationalité tchèque après 1918.

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Hassan, soutien du nationalisme algérien?

Par ailleurs, l’Algérie, bien représentée par sa lobbyiste Hassan, n’est pas la terre promise des historiens.

Depuis 1962, les incarnations successives du FLN ont su occulter le rôle de Messali Hadj dans le développement du nationalisme algérien. Est toujours formellement interdite toute évocation de la « décennie noire ». Mais il y a mieux.

Ou pire.

On réussit l’exploit d’effacer plus de 2000 ans de présence juive.

En effet, parlant d’ « instrumentalisation », le gouvernement vient d’interdire L’Algérie juive – L’autre moi que je connais si peu, de l’universitaire (franco-?) algérienne Hédia Bensahli, publié par la maison d’édition Frantz-Fanon (ainsi nommée en l’honneur du militant et psychiatre anticoloniste), qui retrace l’histoire du judaïsme dans son pays, de l’Antiquité à l’indépendance, en 1962. Le ministère public l’accuse maintenant, sans rire, de porter atteinte « à la sécurité et à l’ordre public ainsi qu’à l’identité nationale » et de « colporter un discours de haine ». Rien que ça

A noter que le contentieux territorial entre l’Algérie et son voisin marocain relatif au Sahara soulève d’épineuses questions d’histoire… Peut-on espérer un sobre débat fondé sur des arguments rationnels ? Chose certaine, Alger ne rechigne pas à profiter des frontières imposées par le colonisateur (le colonialisme a ses bons côtés…) et peut compter sur les bons offices de la Franco-Palestinienne (ou Palestino-Française?) Rima Hassan, qui sera sans pitié pour son (nouveau) compatriote Boualem Sansal, lequel promeut – à tort ou à raison, mais avec insolence – la marocanité du Sahara.

On aimerait imaginer la psychanalyse de la passionaria tiers-mondiste Rima Hassan sur le divan de Frantz Fanon.

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