VSA jusqu’en 2027 : quand le gouvernement ose tout
Dans la famille du grand n’importe quoi, on voudrait le gouvernement Bayrou s’il vous plaît ! L’expérimentation de vidéosurveillance algorithmique (VSA) prévue par la loi sur les Jeux Olympiques était censée se terminer dans moins de…
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Dans la famille du grand n’importe quoi, on voudrait le gouvernement Bayrou s’il vous plaît ! L’expérimentation de vidéosurveillance algorithmique (VSA) prévue par la loi sur les Jeux Olympiques était censée se terminer dans moins de deux mois. Pourtant, le gouvernement a déposé hier un amendement pour tout simplement prolonger l’expérimentation… jusqu’à la fin de l’année 2027. Le tout en s’affranchissant totalement des promesses faites ou des règles constitutionnelles.
Le déploiement de la VSA avait été autorisé par la loi sur les Jeux Olympiques en 2023 au nom de la sécurité de cet évènement. En réalité, ce texte permettait l’utilisation de cette technologie de surveillance de masse pour une durée bien plus longue et dans un périmètre bien plus large. La VSA a ainsi été déployée dès le mois d’avril 2024 et ensuite pour de nombreux évènements comme des concerts, matchs de foot ou même récemment dans la rue pour le jour de l’An à Paris. Cette « expérimentation » est censée se terminer le 31 mars prochain.
Aussi, la loi avait prévu de façon inédite la création d’un comité chargé d’évaluer la mise en œuvre de la VSA. Ses conclusions étaient présentées comme essentielles pour juger de l’utilité de cette technologie du point de vue policier, et décider ensuite d’une éventuelle pérennisation. Depuis le début, nous avons affiché notre plus grand scepticisme face à ce mécanisme d’évaluation, dont on anticipait qu’il serait instrumentalisé par le gouvernement. Surtout, l’approche consistant à se focaliser sur l’efficacité de la VSA éludait l’ensemble des dangers inhérents à cette technologie. Il n’empêche que ce comité avait le mérité d’exister. Lors des débats parlementaires, il a d’ailleurs été brandi à de multiples reprises par le gouvernement et la majorité d’alors comme la preuve de leur bonne foi et de leur respect des libertés publiques.
Qu’il est loin ce temps-là ! Déjà, il y a quelques mois, avant même que le comité ait finalisé son travail, Laurent Nunez et Michel Barnier y allaient de leur petit commentaire pour dire à quel point ils souhaitaient le prolongement de cette technologie, comme une manière de préparer les esprits. Puis, comme prévu par la loi, le comité a remis son rapport au gouvernement à la fin de l’année 2024. Si plusieurs médias y ont eu accès et s’en sont fait l’écho, ce document n’a toujours pas été rendu public. Pourquoi une telle opacité ? Peut-être, comme le pointent Le Monde ou France Info, parce que le rapport montre de nombreuses défaillances et un manque d’efficacité de cette technologie ? À moins que cela s’explique par le fait que l’opposition populaire à la VSA monte et que, la semaine dernière, la justice a même exigé l’interdiction du recours à ce type de logiciel ?
Quoiqu’il en soit, le gouvernement veut continuer à utiliser cette technologie. Profitant du énième retour de la loi relative à la sûreté dans les transports à l’Assemblée (dont la discussion avait d’abord été interrompue par la dissolution puis par la chute du gouvernement Barnier, et dont l’initiateur, Philippe Tabarot, est depuis devenu ministre), il a fait un coup de force. Ainsi, il a déposé un hier un amendement demandant l’extension du dispositif de VSA pendant encore trois années, au prétexte que les services n’auraient pas eu assez de temps pour tester la technologie. Reformulons les choses : il a joué et il a perdu. Mais il s’en fiche, comme nous l’anticipions, le caractère « expérimental » et tout le dispositif d’évaluation n’ont été qu’un alibi commode permettant au gouvernement de faire passer la pilule. Que la VSA « marche » ou pas est au fond accessoire. Pour le gouvernement, il s’agit de l’imposer coûte que coûte.
Sur le plan juridique, la régularité de cet amendement est parfaitement douteuse : d’une part, il pourrait ne pas être recevable puisqu’il s’agit d’un cavalier législatif, qui déborde largement l’objet de la proposition de loi. D’autre part, s’il venait à être adopté, il rentrerait en contradiction avec les règles fixées par le Conseil constitutionnel en 2023. En effet, ce dernier avait jugé que toute pérennisation et tout nouvel examen par les Sages de la conformité de la VSA à la Constitution devrait se faire à la lumière des résultats de l’évaluation. Or, si l’évaluation a bien été produite, le gouvernement s’en moque complètement. Il tente de forcer la main au Parlement qui n’aura même pas le temps de se faire sa propre idée. Outre le projet politique funeste associé à la VSA, c’est là le plus parlant dans cette affaire : l’absence totale de considération pour la légalité ou le respect des engagements fait à la représentation parlementaire. Rien d’étonnant s’agissant d’un ministre de l’intérieur qui affiche clairement son mépris pour l’État de droit.
Cet amendement est tout bonnement un scandale. La VSA ne doit pas être prolongée. Elle doit être interdite. Produit d’une industrie de la sécurité avide de profit, cette surveillance de nos corps et nos comportements est le vecteur technologique d’une amplification des discriminations policières. Elle contribue à parfaire un édifice de la surveillance qui transforme l’espace public en un espace de contrôle social permanent, qui trie les « bons citoyens » et les « suspects ».
Nous appelons tous les parlementaires à voter contre cette mesure et nous invitons toutes les personnes intéressées à se mobiliser dans leur ville ou après de leur député·e, pour faire valoir leur refus radical de ces technologies.
Pour vous informer sur la VSA et vous y opposer, retrouvez notre brochure sur le sujet et d’autres ressources sur notre page de campagne. Et pour soutenir notre travail, n’hésitez pas à faire un don.