Science maudite ou science du bonheur ? Les vertus cachées de la science économique

Nos contemporains ignorent la science économique ou ne l’aiment pas ; cette prévention n’est pas nouvelle. Au dix-neuvième siècle et en dépit du fait que beaucoup d’économistes figuraient parmi les esprits les plus lumineux de leur temps : Jean Baptiste Say, Frédéric Bastiat, Frédéric Le Play, Alexis de Tocqueville par exemple, la science économique fut considérée par […]

Jan 31, 2025 - 23:44
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Science maudite ou science du bonheur ? Les vertus cachées de la science économique

Nos contemporains ignorent la science économique ou ne l’aiment pas ; cette prévention n’est pas nouvelle. Au dix-neuvième siècle et en dépit du fait que beaucoup d’économistes figuraient parmi les esprits les plus lumineux de leur temps : Jean Baptiste Say, Frédéric Bastiat, Frédéric Le Play, Alexis de Tocqueville par exemple, la science économique fut considérée par les uns comme une « science lugubre » (Thomas Carlyle), bien d’autres acquiesçant au verdict de Gustave Flaubert qui la disait une science « sans entrailles ».

Une certaine science économique, par sa formalisation austère ou trop mathématisée, est peu « économe » des forces de qui cherche à la comprendre. En se rendant souvent incompréhensible, notamment dans les cinquante dernières années, elle s’est rendue inefficace. Plus fondamentalement, les reproches les plus courants se sont presque tous polarisés sur sa définition de l’utilité et sur la notion associée du libéralisme, notions polluées en permanence par leurs significations multiples dans d’autres disciplines ou sous d’autres cieux. Les contemporains trouvent donc généralement la science économique trop utilitariste, trop matérialiste, trop horizontale, trop « terre à terre », sans élévation spirituelle ou même culturelle.

Au commencement, la science économique n’existait pas. Le terme « paradis terrestre » évoque une utilité maximisée d’avance, une perfection des sentiments et sensations qui la rendait inutile. La science économique apparaît dès la Chute, chacun devant maximiser son utilité à la sueur de son front. C’est donc une science associée à une malédiction mais aussi paradoxalement à la meilleure façon de retourner l’homme vers le bien ; elle fait connaître et organise la manière d’y parvenir à l’aide des éléments naturels de la création. Pour les chrétiens, elle est présente dans toutes les pages de l’Evangile consacrées au bonheur de l’homme et organise le « devoir d’état » en vue de l’utilité suprême. Joseph, patron des travailleurs, a élevé l’enfant Jésus à la tête d’une petite entreprise de charpentier-menuisier bien gérée, avec probablement l’aide de Marie comme cela se passe dans beaucoup de PME.

La science économique est la science de la production d’utilité

Comme le révèle l’analyse de Gary Becker, tous les individus sont dans le même cas, quelles que soient leurs croyances et selon leur fonction d’utilité particulière. Dans une société libérale, les moyens économiques sont donc toujours ordonnés par les personnes elles-mêmes en vue d’un bien supérieur. Ils contribuent à piloter la démographie et l’évolution des mentalités. Les gens de tous pays et de toutes religions conduisent ainsi leur existence, assurent au mieux leur devoir d’état et mènent leur vie professionnelle et personnelle en maximisant leur utilité selon les mêmes principes.

La production des biens et services marchands et la croissance sont la partie émergée de l’iceberg économique. Elles se déduisent de la fonction d’utilité en quantité comme en structure, en déployant efficacement tout ce que Ludwig von Mises appelait l’action humaine : le temps de travail, l’épargne, le capital humain ou matériel, les cultures, l’esprit d’entreprise et plus généralement les investissements. La croissance économique est ainsi une séquence infinie d’investissements réussis. Des moyens matériels et culturels sont mis en œuvre par tous les hommes et femmes de la Terre pour s’enrichir et enrichir les enfants et successeurs dans la direction que chacun se fixe en permanence.

L’économiste affirme par ailleurs que la somme imagée des utilités particulières en mouvement s’appelle le développement économique et il s’applique à en discuter dans l’optique de Pareto. Le développement est donc un concept bien plus général que la simple montée en puissance des économies des pays pauvres. Il est aussi et malheureusement réversible.

La liberté fait que chaque personne maximise sa propre utilité et beaucoup choisissent des buts a priori plus ou moins nobles ou carrément mauvais ou minables. Dans les sociétés contemporaines, au moins pour les pays occidentaux, on observe un émiettement sociétal par un effet pervers de la liberté des choix ; la diversification du peuplement et des cultures y contribue également pour nombre de pays. Cela rend de plus en plus difficile la coordination des aspirations particulières et la fraternité sociale nécessaires au développement. La croissance économique en est lourdement atteinte, comme l’exprime l’évolution quasi nulle du PIB français de ces dernières décennies. En aucun cas, ces phénomènes négatifs ne peuvent être imputés à la science économique elle-même qui se borne à les observer et ne cherche jamais à les justifier moralement. Elle n’a partie liée avec aucune des déviances de matérialisme, d’égoïsme, de recherche de puissance ni même à l’inverse avec la dégradation publique et l’impuissance qui en résulte.

Elle reste la science du bonheur à construire.